La pastorale issue du système scolaire
Lorsque nous faisons notre parcours scolaire, nous produisons un travail de mise en forme de nos connaissances pour des gens qui sont payés pour nous lire. Lorsque nous quittons le système scolaire, nous devons produire des choses pour des gens qui ne sont pas là pour nous suivre. Nous devons donc changer de méthode une fois les études terminées.
Ceci concerne toutes les personnes ayant eu une formation universitaire mais particulièrement les théologiens. En effet, la théologie universitaire n’a pas été conçue pour la population avec laquelle la pastorale est en contact. Le risque est grand d’offrir aux gens un décalque appauvrit des connaissances universitaires. Bien sûr, qui sort d’un périple d’études supérieurs est à l’aise dans l’exercice. Mais il faut admettre cette difficulté inhérente à notre système.
La seule solution consiste à se créer sois même une théologie rayonnante pour toucher les gens. Cela consistera à passer des heures pour traiter un sujet qui sera abordé pendant un cours laps de temps car il faut rapidement passer à autre chose. La situation est d’autant plus absurde qu’il n’y a plus de spécificité locale. Les mêmes courants de pensée traversent toutes les sociétés et les collègues de Hambourg doivent traiter les mêmes questions que ceux et celle de Madrid … ou de Lausanne.
Chacun apprend chez soi
Avant il fallait se rassembler pour apprendre, ou tout simplement pour connaître. Depuis le 20e siècle, les gens acquièrent bien davantage de connaissances chez eux, par les médias (radio télé au 20e et numériques maintenant) que s’ils participent à un cours, une conférence etc. Avant on apprenait en groupe et on digérait les connaissances seuls, maintenant on apprend seul, mais où digérer ces connaissances ?
Le protestantisme s’est longtemps considéré comme une religion école. L’écoute d’un message prend une grande place dans toutes les célébrations. Mais comme les gens ne se déplacent plus pour acquérir un savoir, la pastorale se doit maintenant d’organiser des rencontres n’ayant pas pour objectif principal la mise à disposition de connaissances.
La pastorale a désormais la tâche de créer une véritable scénographie de la communication. La place de l’assemblée y est prédominante. Or la pastorale doit déjà créer une théologie rayonnante. L’énergie nécessaire pour construire une liturgique adaptée à notre époque est déjà énorme (par liturgique j’entend l’ensemble des célébrations). Si la pastorale avait à sa disposition une théologie rayonnante, elle pourrait se concentrer sur la dynamique du contact avec la population.
Apprendre à lire et aimer la lecture
Dans le domaine scolaire, l’enseignant ne se contente pas d’apprendre la lecture mais il désire faire aimer la lecture. De même, les savoir spirituels ne sont pas simplement des connaissances. Nourrir sa spiritualité ce n’est pas uniquement s’approprier du savoir théologique. Nous sommes, en effet, dans le domaine de la foi c’est à dire de l’opinion, de l’émotion, voire de la passion. La théologie peut diffuser des savoirs et des savoirs faire, le religieux se préoccupe surtout de savoirs être. La spiritualité propose un savoir être face à Dieu, pour soi-même et devant les autres.
L’exercice est ardu car la foi s’exprime dans une culture. Or les cultures de notre temps sont très diversifiées. La scénographie liturgique d’une culture ne conviendra pas aux autres. En simplifiant, la pastorale doit communiquer à trois cultures différentes : classique, pop rock et populaire. La démultiplication de cette tâche n’est possible qu’avec un travail de groupe. Mais les institutions réformées, tout en prônant le travail de groupe, ne l’on jamais raisonné.
Par ailleurs, les notions sont toujours une réponse à un questionnement précis.
Toute théologie découle du contexte dans lequel travaillait le savant. Il nous faut tenir compte des conditions d’émergence des doctrines et de la personnalité du théologien. Un savant travaille dans un environnement conceptuel particulier. Tout théologien parle à la première personne. Il produit des connaissances à partir d’un contexte connu de son temps. Ses travaux ne sont qu’une étape provisoire sur le chemin indéfini de la théologie.
Or, bien souvent, le discours religieux ne présente pas les idées du passé comme une construction humaine. Elles deviennent une vérité pure. La philosophie des sciences l’affirme, nous devons procéder à une révision de toute connaissance dont la fiabilité a été ébranlée. Bons nombres des paroissiens restés dans l’Eglise traditionnelle n’acceptent pas cette évidence et la pastorale se trouve, là aussi, devant une tâche énergivore. Car les croyances marquées par leur temps ne peuvent plus être crédibles lorsque les temps changent.
La théologie rayonnante met en valeur les conditions d’émergence des énoncés. Le péché originel, le sacrifice du Christ, l’image de Marie-Madeleine comme prostituée repentante sont quelques exemples de croyances dont il faut expliquer l’origine. Cela permet de voir leur légitimité passée et leur incohérence contemporaine. Enfin, la théologie rayonnante évite de masquer les erreurs et les tâtonnements, lot quotidien de la théologie savante.
Faire remonter la spiritualité contemporaine vers la théologie savante
Les échanges oraux, les multiples publications, les centres de formation, créent pour la pastorale un chemin de transmission long et multiple. La posture ancienne faisant de la pastorale la courroie de transmission de la théologie académique s’en trouve encore complexifiée et pour tout dire, inopérante.
L’atout principal de la pastorale réside dans son contact avec la population et non dans son contact avec la théologie savante. La pastorale se trouve investie d’une mission nouvelle. Non plus d’être une voix faisant descendre la théologie universitaire vers la population, mais une voix faisant monter vers la théologie la spiritualité de la population.
Le développement de l’esprit scientifique est l’une des valeurs essentielles à promouvoir à notre époque. De ce point de vue, le religieux est souvent perçu comme une contre-valeur. Il importe donc de promouvoir une étude scientifique du religieux. Pour la légitimer elle doit répondre aux aspirations spirituelles de nos contemporains. La pastorale a désormais pour principale mission de les déceler. Il manque une organisation capable d’en être le réceptacle. Cette organisation permettrait de libérer de l’énergie pour parfaire la dynamique des rencontres en particulier en libérant de l’espace pour le discours spirituel de nos contemporains.
Claude Demissy a étudié la théologie à Strasbourg où il a soutenu une thèse de doctorat Ruse et violence dans le livre de Judith. Il a été pasteur à Metz et à Strasbourg puis à Aubonne. Durant son ministère il a pu se former à la communication, à l’édition et à la pédagogie. Cela lui permet de développer une théologie du bonheur adaptée à notre société post-moderne. Il souhaite libérer la théologie protestante de l’emprise de sa tradition inadaptée au 21e siècle. Il a publié aux éditions cabédita et Dieu créa le bonheur (2020), Marie-Madeleine, la première chrétienne (2022), et travaille (pour 2023), sur l’importance de la gastronomie dans la Bible.
Trop de cerveau tue l Esprit, aussi faut- il revenir aux fondamentaux mais aussi découvrir les chrétiennes Orientales, Asiatiques et Africaines, trop vite écartées par nos Églises « occidentales »
Oui, le christianisme a une extrême richesse issue du monde entier. Grâce à cette diversité nous pouvons élargir notre offre spirituelle et donc être au service de toutes et tous.
C’est également valable pour la musique : nous sommes héritiers de la musique classique occidentale alors que notre époque est ouverte à bien d’autres styles.