Le livre

Lors d’un passage en Suisse début juin, le théologien de Paris Stéphane Lavignotte a parlé à Lausanne et Genève, présentant son livre « André Dumas. Habiter la vie » (Labor et Fides, 2020), respectivement invité par la Société vaudoise de théologie et par la Faculté genevoise de théologie. 

Stéphane Lavignotte, journaliste devenu pasteur de l’Église protestante unie de France, articule un engagement de terrain à la Mission populaire évangélique et une réflexion théologique. Diplômé en science politique et docteur en théologie spécialisé en éthique, il a publié plusieurs ouvrages sur l’égalité des droits, l’écologie et la pensée protestante contemporaine. 

Les débats

Autour de l’éthicien protestant français que fut André Dumas (1918-1996), dont il a étudié les interventions pour son livre, S. Lavignotte a saisi l’occasion d’évoquer divers débats de société qui sont de brûlante actualité aujourd’hui comme dans les années 1950-1990 : engagement politique et culturel, résistance aux totalitarismes, dialogue avec l’athéisme et le marxisme, défense de droits et de valeurs, du sens du couple et de la sexualité, du droit à la contraception et à l’avortement, de la fin de vie…

Intervenir publiquement dans de tels débats en porteur de la foi réformée, ce fut en effet souvent le rôle d’André Dumas comme professeur d’éthique de la Faculté protestante de Paris. 

L’enjeu éthique

Le débat sur la légitimité de normes éthiques dans la société moderne cache souvent un enjeu plus grave d’inscription du vivant dans le réel : le vivant a besoin de réglages pour habiter le réel. Du coup, les normes ne sont ni un idéal ni une moyenne, mais juste un instrument pédagogique, répondit Lavignotte à un intervenant durant la discussion, en se référant à la normativité selon Georges Canguilhem (Le normal et le pathologique, 1943), que son livre discute d’ailleurs aussi (Lavignotte, pp. 280-287). 

La clé herméneutique

Un autre point de la discussion s’est focalisé sur le recours réformé inévitable à une interprétation du message biblique, toujours dépaysant : Lavignotte a répondu que Dumas y cherchait une stimulation de l’imagination créatrice, une incitation à penser, bien plus qu’une anthropologie.

Car l’éthique de Dumas, telle qu’elle se présentait à ses auditeurs, devait parler aux gens concernés et les rassurer dans leurs inquiétudes : dans son exposé, Lavignotte l’a donc présentée comme essentiellement empathique et embarquée, porteuse de courage moral, puis comme espérante, critique et modeste, lorsqu’il s’agit de choisir un moindre mal dans des situations conflictuelles. 

DES GESTES

La force théologique de telles interventions publiques, Dumas l’a démontrée et approfondie par son grand livre consacré au théologien allemand résistant Bonhoeffer, publiée sous le titre « Une théologie de la réalité : Dietrich Bonhoeffer » (Labor et Fides, 1968).

Derrière ces gestes de résistance, il faut reconnaître une approche théologique de la réalité sociale, culturelle, économique, politique, ecclésiale, une « fidélité au réel, combat et responsabilité » (Dumas, p. 40, cité par Lavignotte, p. 96). 

De qui parle-t-il ici ? – De Jésus ! Car c’est lui qui, par son intervention, « structure le monde en son milieu », de sorte que pour des chrétiens il n’y a pas possibilité de fuir ce monde, et d’ailleurs …

Avec madame

… pas pour des chrétiennes non plus : la femme d’André Dumas, Francine, née Buss, a droit à une mention spéciale en encadré (Lavignotte, p. 82), vu qu’elle a été partie prenante des mêmes mouvements de jeunesse puis des mêmes associations chrétiennes que lui, et plus particulièrement responsable de défendre la maîtrise de la sexualité et de la fécondité.

Derrière les gestes du théologien, il y a donc aussi cette responsabilité commune et ces engagements partagés du couple Dumas, dont le livre Lavignotte relate diverses interventions concrètes avec leurs justifications éthiques et leur écho public, au-delà de ce qui a pu en être dit lors de ces soirées de Lausanne et Genève. 

La version genevoise de la rencontre, sur la chaine de l’éditeur Labor et Fides

L’auteur

Jean-Pierre Thévenaz est pasteur et éthicien retraité, répondant suisse de la Mission Populaire Evangélique de France, animateur de l’association oecuménique vaudoise Chrétiens au travail, membre de la Société vaudoise de théologie et auteur de blogs sur Reformés.ch.


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