Cet article résume le séminaire 2018 de la Société Vaudoise de Théologie, sur le thème « Vie communautaire et Eglises aujourd’hui ». Cette séance s’est concentrée sur les Eglises émergentes.

La présentation était proposée par Gabriel Monet, professeur de théologie pratique à la faculté adventiste de Collonges-sous-Salève (France). Nous recommandons la lecture de sa thèse L’église émergente : être et faire Église en postchrétienté (Berlin-Münster, LIT Verlag, 2014, 431 p.)

La rencontre a eu lieu le 08.03.2018 à la salle de paroisse de Saint-Laurent

La thèse

Selon Gabriel Monet, si la société rejette l’Église, elle ne rejette pas pour autant le Christ. Si la post-modernité et la post-chrétienté semblent être, dans un premier temps, hostile aux formes traditionnelles de l’Église, elle en favorise d’autres formes : la post-modernité est comprise comme un dépassement reconstructiviste de la modernité et la post-chrétienté comme la fin d’un descriptif social commun labellisé « chrétien ».

Des modèles d’église émergente

Il identifie trois groupes d’églises émergentes : des Églises émergentes a) centrées sur la mission b) centrée sur le développement communautaire c) centrées sur le développementdes arts et de la liturgie. Ces différents modèles présentent des développements atypiques. On le voit dans les récits constitution de la communauté, dans le réaménagement des lieux traditionnels, ou dans le type d’affinité qui constitue la communauté. Dans le panier des Églises émergentes on trouve de tout, allant des initiatives les plus fructueuses et les plus stimulantes jusqu’à des expériences pour le moins discutables.

Eléments d’ecclésiologie

Ecclésiologiquement, l’enjeu est de bien comprendre le caractère fructueux de la critique qui est adressée par les Églises émergentes aux formes traditionnelles d’Église. Le but n’est pas de casser l’une par l’autre, mais de les relier dans un horizon de réflexion plus large. L’étude de Gabriel Monet amène à penser l’ecclésiologie contemporaine à partir de trois termes.

a. Missionnel

Avec l’adjectif missionnel, il ne s’agit pas de rempiler dans une dynamique conquérante et concurrente, telle qu’a pu l’être la mission de l’église durant les siècles passés, mais de rentrer dans la dynamique de la missio dei. La missio dei est avant tout la mission de Dieu lui-même. Il en est le premier acteur. Ainsi, l’Église n’est pas la fin de la mission mais son outil, un moyen pour que le plus grand monde puisse avoir une relation à Dieu. Le but de la missio dei, n’est pas d’amener des gens à l’Église, mais de faire des disciples du Christ, d’amener l’humanité à participer au corps du Christ. 

b. Incarnationnel

Avec l’adjectif incarnationnel, on désigne le rapport entre Christ et la culture. Si l’Église sait que ses racines reposent dans un sol qui ne se défait pas sous elle, c’est-à-dire en Dieu lui-même, elle n’est pour autant pas déconnectée de la culture. Comme Dieu se révèle dans l’incarnation du Fils, l’Église existe en interaction avec la culture, et en bonne partie dans la culture. Il n’y a donc pas de rejet unilatéral de la culture, ni une simple confusion de l’Église avec la culture. Suivant une intuition du théologien anglican Leslie Newbigin (1909-1998), l’Eglise doit discerner face à la culture et la sienne propre à partir d’une tierce valeur : l’Évangile. Dans cette triangulation, l’Église est alors invitée à vivre une économie mixte (entre Églises « traditionnelles » et Églises « émergentes ») qui permet de travailler la relation Église-Culture de plusieurs façons.

c. Expérientiel

Avec l’adjectif expérientiel, on désigne toute forme de décrispation par rapport au contenu doctrinal et au contenu dogmatique. Sans renoncer à la fidélité qui est le propre de l’Église et qui peut s’exprimer doctrinalement, le critère expérientiel oriente vers plus d’humilité et met l’accent sur une vie de foi qui n’est pas premièrement intellectuelle, mais relationnelle. 

En complément de ce compte-rendu, nous vous invitons à consulter l’histoire des « Eglises émergentes » proposées par le Labo Khi (EERV), ou encore le site témoins.com.

L’auteur

Elio Jaillet est doctorant en théologie systématique à l’Université de Genève. Il est également actif dans l’Eglise Evangélique Réformée du canton de Vaud. Il écrit sur son propre blog Journal d’un Théologien Vaudois Eclectique (https://eliojaillet.ch)


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