Cet article résume la première rencontre du groupe de travail « Bénir le mariage civil pour tous? » (28.09.2020) avec Blaise Menu, pasteur de l’Eglise Protestante de Genève et théologien réformé, modérateur de la Compagnie des pasteurs et de diacres (2016-2021). L’usage de l’écriture inclusive revient à l’autrice de l’article.

Résumé de l’intervention

Contexte

Dans l’Eglise Protestante de Genève, le débat quant à la bénédiction des couples de même sexe avait été abandonné dans les années 2000, pour reprendre une quinzaine d’années plus tard, au rythme d’une rencontre par trimestre.

Cette discussion avait lieu dans un cadre de travail plus large, et cette durée a permis de travailler petit à petit les diverses résistances. Ainsi, un dossier a été élaboré et remis au Consistoire, présenté en mars 2019 en vue d’un débat puis d’un vote en novembre.

Points de repères gagnés

La posture d’Eglise dans ce débat est centrée sur l’accueil : il faut accueillir, sans être nécessairement d’accord avec ce que les gens vivent. L’Eglise entend le désir des personnes qui souhaitent la bénédiction, et a quelque chose à dire des rapports conjugaux et des configurations familiales.

Elle affirme que la bénédiction est au cœur de la vocation chrétienne et de l’ethos pastoral, dans une logique d’alliance. Par ailleurs, la bénédiction est réitérable et réitérée, et elle est la même pour n’importe quel couple, même si la notion de filiation n’est pas présente de la même manière.

La démarche interne à l’EPG

Après ces éléments de décor, Blaise Menu évoque la démarche qui a prévalu au sein de l’EPG. La question de la bénédiction n’a pas été posée comme centrale, mais est apparue en périphérie d’une discussion sur la manière dont l’Eglise doit accueillir et accompagner les nouvelles formes de conjugalité. Cette discussion émanait des demandes concrètes. En effet, par exemple, comment prendre en compte l’homoparentalité dans le cadre d’un baptême d’enfant ?

Décentrer la bénédiction des couples de même sexe a permis d’éviter trop de crispations et surtout de s’interroger à nouveau sur les fondamentaux. Il y a néanmoins eu des réticences dont il fallait évidemment tenir compte, chacun·e ayant pu exprimer son point de vue, et le point de règlement permettant à un ministre de refuser une célébration pour des raisons de conscience a été étendu à la problématique de la bénédiction de couples de même sexe. Malgré tout, la tendance est au changement.

Résumé de l’échange

La discussion avec le groupe de réflexion s’est alors lancée sur le sujet des réticences, précisément celles des paroissien·ne·s. Celles-ci ont été prises en compte grâce à la lenteur volontaire du processus, et au matériel offert pour ouvrir les débats dans les conseils.

La clause sur la liberté de conscience a permis d’éviter de trop grosses dissensions. Il a également été fait remarqué qu’à l’inverse de l’EERV, l’EPG a d’abord mis en place une pastorale, avec le LAB, avant d’initier le débat de fond, ce qui a permis de visibiliser une réalité jusque là méconnue pour beaucoup. Il faut néanmoins remarquer que la longue démarche s’est faite sans inclure de personnes militantes dans le débat – ce qui a été un facteur de tranquillité.

En comparaison avec la Suisse Allemande, Blaise Menu remarque une plus forte insistance sur la théologie de l’Alliance à Genève, tandis que la Suisse Allemande est très centrée sur le soin des personnes.

La discussion s’est ensuite orientée sur le point de vue catholique par rapport à la tension entre pastorale et dogmatique, pour ensuite soulever le point de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) – question pour l’instant non-traitée à Genève. Il serait intéressant de distinguer entre mariage et noces, ou de proposer de nouvelles approches, en s’intéressant aux « fictions » (au sens probable de constructions fictionnelles) que se font les gens sur des sujets tels que la filiation ou l’engendrement.

Nous remercions ici encore Blaise Menu pour sa présentation et la discussion.

Discussion du groupe de travail

Ainsi, suite à cela, relevons les points qui ont semblé particulièrement marquant aux membres du groupe de réflexion.

Le point de départ dans la pastorale

Tout d’abord, une entrée par l’approche pastorale sur long terme parait féconde lorsqu’il s’agit de trancher sur des objets de débats clivants au sein de l’Église. Ici la pastorale – dans ses divers contextes – précède la discussion théologique. L’écoute est un élément clef de cette approche pastorale, puisque l’on part de la réalité pastorale donnée dans sa complexité pour formuler la régulation théologique.

Théologie de l’alliance

Ensuite, la théologie de l’Alliance, très présente dans la réflexion à Genève ; cette alliance que Dieu fait avec toute l’humanité donne en effet l’horizon à partir duquel toute bénédiction est pensée et réalisée.

Théologie de la bénédiction

Finalement, la fécondité que Dieu promet et réalise dans sa bénédiction dépasse tout conditionnement de la filiation. La bénédiction humaine suit donc cette première bénédiction complètement excessive, chaque bénédiction étant particulière.

Conclusion

Pour conclure, nous formulons de manière condensée la position présentée tout au long de la discussion.

La bénédiction des couples de même sexe doit se situer dans une discussion plus globale, et à long terme, sur l’accueil des nouvelles formes de conjugalité.

En tant qu’elle précède le débat théologique, la pastorale peut ouvrir les gens à des réalités jusque là méconnues.

Une théologie de l’alliance et de la fécondité est le socle permettant de penser, entre autres, la bénédiction des couples de même sexe.

L’autrice

Noémie Emery est pasteure stagiaire dans l’EERV, passionnée de pop culture, de queer theology et de féminisme.


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